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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/374

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clients ou la pratique des affaires. C’est ce qui se voit aujourd’hui en Russie. Le droit de défense est libre, mais il est soumis à une réglementation qui, pratiquement, en restreint beaucoup l’exercice et diminue à la fois les inconvénients et les avantages de cette liberté. Le système en vigueur aboutit à créer, au-dessous des avocats réguliers, une classe de défenseurs de moindre instruction qui font également du barreau une profession, et ne diffèrent des autres avocats que par l’infériorité des connaissances.

Pour être admis à plaider, il faut être pourvu d’un certificat que les tribunaux délivrent aux personnes qu’ils en jugent dignes[1]. Cette restriction a pour motif le grand nombre d’hommes de toute classe qui, lors de l’ouverture des nouveaux tribunaux, se sont improvisés avocats, gens sans profession, employés sans place ou révoqués, anciens officiers ou sous-officiers en retraite, marchands ruinés ou négociants faillis. Le barreau était soudainement devenu le refuge de tout ce qui manquait de moyens d’existence et possédait un larynx et des poumons. Les règlements n’imposaient du reste à cette profession aucune condition d’instruction, d’âge ou de sexe. Le ministère de la justice avait d’abord enjoint aux tribunaux de ne pas reconnaître le droit de plaider aux femmes, qui, en Russie plus qu’ailleurs, semblent vouloir se mesurer avec l’homme dans toutes les carrières. Le sénat dirigeant a, sur l’appel des intéressées, annulé l’arrêt du ministre. Mais les femmes n’en rencontrent pas moins dans le barreau plus de difficultés encore que dans la médecine. Elles peuvent se présenter devant les tribunaux en qualité de défenseurs,

  1. Pour décider de la capacité d’un individu, les tribunaux peuvent lui faire passer un examen. Chaque tribunal de première instance ou d’appel (comme chaque assemblée de paix) désigne les personnes admises à plaider devant lui. Pour le certificat ainsi délivré, il faut payer un droit assez élevé qui équivaut à une patente. Tout homme auquel un tribunal refuse le droit de plaider peut en appeler au tribunal supérieur jusqu’en cassation. Le même droit d’appel appartient au procureur, s’il juge un homme autorisé à plaider indigne de cette faveur.