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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/385

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disposé à flairer partout un crime, se ressent encore de l’ancienne procédure inquisitoriale ; loin d’y voir un modèle pour autrui, la France, on le sait, songe à le soumettre à une revision.

En Russie, la réforme opérée n’en constitue pas moins un progrès immense. Comme en tout pays civilisé, le prévenu dut être estimé innocent et traité comme tel, tant qu’il n’était point régulièrement condamné. De même qu’en Angleterre, la loi russe a même cherché à lui épargner les ennuis et le déshonneur de la détention préventive. Pour certaines affaires, l’inculpé est admis à demeurer en liberté, sauf à fournir une caution. Dans les cas où l’on n’osait dispenser l’accusé de la prison préventive, on remit le droit de le maintenir en arrestation, non plus à l’accusation ou à la police, mais à une magistrature nouvelle, indépendante et impartiale, ou du moins réputée telle.

D’accord avec les principes et avec l’expérience d’autrui, le réformateur de 1864 a partagé les fonctions judiciaires en trois branches séparées et indépendantes l’une de l’autre ; L’accusation, l’instruction, le jugement ont été strictement distingués et possèdent chacun leur organe particulier. On a introduit ainsi, dans l’enceinte même des tribunaux et de la magistrature, le principe nouveau de la séparation des pouvoirs et de la spécialisation des fonctions. L’autonomie de chacun des trois services judiciaires a été proclamée par la loi, et l’instruction rendue aussi indépendante de l’autorité qui poursuit que du tribunal qui juge. Sur ce point encore la législation russe est conforme aux principes ; mais, sur ce point comme sur trop d’autres, la pratique a dérogé à la théorie.

D’après la loi, les procureurs ont pour unique mission de poursuivre les crimes et de soutenir l’accusation devant les tribunaux. Des magistrats spéciaux, créés dès 1860, quatre ans avant la réforme et appelés soudebnye slêdovateli, sont seuls chargés de l’instruction criminelle. Le parquet n’y devait point s’immiscer, la police n’y devait prendre