Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part que comme auxiliaire et instrument des nouveaux magistrats. Les faits sont loin de toujours répondre aux vues du réformateur, et, dans un pays comme la Russie, il n’en pouvait guère être autrement. Bien qu’elle n’agisse plus que sous la direction et le contrôle du juge d’instruction, la police n’a pu en quelques années renoncer à tous ses anciens errements. Elle a gardé d’autant plus d’autorité que les juges d’instruction n’ont point conservé la position indépendante que prétendait leur assurer le législateur. La loi les déclarait inamovibles, à moins d’actes coupables dont l’appréciation devait être remise aux tribunaux ; or le ministère a pris l’habitude de confier l’instruction criminelle non à des magistrats titulaires, mais à des employés en faisant fonctions, à des tchinovniks révocables à volonté. La loi séparait entièrement l’accusation de l’instruction, et le parquet des soudehnye slédovateli ; les mœurs autoritaires et les traditions bureaucratiques ont bien vite amené le parquet à s’emparer de la direction des enquêtes judiciaires, si bien que les juges d’instruction ont fini par n’être plus guère en réalité que les subordonnés des procureurs.

À cette déviation des principes posés dans la loi, il y avait plusieurs raisons, en dehors même des convenances du pouvoir, jaloux d’étendre la sphère d’action de ses agents les plus directs. Pour ces nouvelles fonctions, comme pour bien d’autres, on manquait d’hommes. Les premiers juges d’instruction, pour la plupart jeunes gens sans expérience, ont montré peu de capacité, peu de zèle et d’activité. Leur négligence semblait d’autant plus grande que leur position était légalement mieux assurée. Le gouvernement a considéré qu’il ne pouvait les laisser jouir des bénéfices de l’inamovibilité qu’après avoir mis leurs lumières à l’épreuve. Par malheur, on leur alloue un traitement trop modique pour beaucoup attirer les hommes cultivés. Un millier de roubles, tel était, au moins il y a quelques années ; tout ce que le trésor accordait en pro-