Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonne des fonctionnaires publics, pendant l’accomplissement de leurs l’onctions ou en raison de leurs fonctions, « meurtre ou tentative de meurtre, blessures, mutilations et tous actes de violence, menaces ou clameurs ». Du sommet au bas de l’échelle, les agents du pouvoir étaient ainsi placés en dehors du droit commun. Tout le tchinovnisme se trouvait mis en possession d’un privilège jusque-là réservé au souverain et à l’État.

Le législateur n’avait pas, en effet, attendu jusqu’en 1878 pour s’apercevoir qu’à l’égard de certains attentats le jury n’était point un bien sûr instrument de répression. La loi même qui instituait le jury dérobait aux tribunaux ordinaires la connaissance de tous les crimes contre l’empereur et contre l’empire.

Pour ces crimes d’État, on avait cru nécessaire de maintenir une juridiction aussi bien qu’une législation exceptionnelles. La composition de ces tribunaux d’exception variait suivant la gravité des cas. D’après les lois de 1864, ces crimes devaient être déférés aux cours de justice, statuant sans jury, mais assistées de quelques délégués pris dans les diverses classes de la société, comme si, là même où il n’admettait point l’intervention du jury, le réformateur en eût voulu laisser aux accusés un simulacre[1].

Pour les procès les plus graves, pour les conspirations, par exemple, embrassant plusieurs provinces, le jugement des crimes d’État devait, sur un ordre du souverain, être transféré à une cour spéciale du sénat, d’ordinaire également complétée à l’aide de quelques délégués désignés par la loi. C’est de cette façon, devant des membres de la cour suprême, qu’ont été jugés les plus grands procès politiques. C’est une haute cour de ce genre qui, en 1879,

  1. Ces délégués ou assesseurs doivent être un maréchal de la noblesse de gouvernement, un maréchal de la noblesse de district, un maire de ville et un starchine ou ancien de bailliage de paysans. Les délégués ainsi choisis sont au nombre de quatre, tandis que les magistrats, y compris le président, sont au nombre de cinq, ce qui leur assure toujours la majorité.