Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/419

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a prononcé sur le sort du régicide Solovief, et, en 1881 et 1882, sur le sort des assassins d’Alexandre II et de leurs complices.

Le législateur, on le voit, avait pris ses précautions ; mais la multiplicité des attentats nihilistes les lui fit paraître insuffisantes. La procédure sembla trop lente, et les débats même trop solennels, en présence de l’attitude souvent provocante des accusés. Non content des tribunaux civils, le gouvernement leur préféra la justice la plus expéditive et la plus sévère, la justice militaire. Le 9 août 1878, un oukaze impérial, renchérissant sur celui du 9 mai précédent, transférait provisoirement aux cours martiales tous les crimes contre l’État, aussi bien que les crimes contre les fonctionnaires. La guerre de Bulgarie était à peine terminée, les troupes russes campaient sur la mer de Marmara, le traité de Berlin n’était pas encore ratifié, et les attaques les plus audacieuses contre les représentants du pouvoir se succédaient sans répit, à Pétersbourg, à Kief, à Odessa. Le gouvernement, qui en avait à peine fini avec les ennemis du dehors, résolut d’employer contre ceux du dedans les armes dont usent les États contre les séditions à main armée. Les conspirateurs furent assimilés à des insurgés. L’opinion, inquiète des machinations des ennemis de l’ordre, à un moment où la Russie restait exposée à de graves périls extérieurs, l’opinion s’alarma peu de cette sorte de mise hors la loi des révolutionnaires qui, en jetant le trouble dans le pays à l’une des heures les plus graves de son histoire, semblaient se faire les complices de l’étranger. Déjà l’on se plaisait à remarquer que, depuis le décret du 9 août, les attentats si répétés dans les mois précédents avaient subitement pris fin ; déjà l’on y voulait voir une marque de l’efficacité des tribunaux militaires, lorsque, en février, en mars, en avril 1879, l’assassinat du prince Krapotkine à Kharkof, la nouvelle agression contre le chef des gendarmes à Pétersbourg, l’attentat de Solovief sur la personne même du tsar, vinrent montrer coup sur