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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/42

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que sans contrôle, c’était un frein contre l’arbitraire du plus grand nombre, une garantie pour la liberté de l’individu.

La loi écrite, qui admet dans les assemblées communales le vote à la simple majorité, exige pour les décisions les plus graves les deux tiers des voix. C’est là une sage concession à la coutume, une protection contre les mesures précipitées et les entraînements de la foule. Il faut ainsi les deux tiers des voix pour le partage périodique des terres, à plus forte raison pour l’abrogation de la tenure traditionnelle et la distribution définitive du domaine communal entre les individus ou les familles. Il faut les deux tiers des voix pour la fixation des taxes locales et l’emploi des fonds du mir, il faut enfin la même majorité pour l’exclusion des paysans vicieux.

Dans les assemblées de volost, qui sont de vrais conseils électifs et dont les votes n’ont pas la même importance pour la vie privée du paysan, toutes les questions peuvent être tranchées à la simple majorité. La loi permet aujourd’hui, en certains cas, d’en appeler de la décision des assemblées de village ; mais, en dehors des sentences de bannissement, cet appel ne doit porter que sur l’irrégularité des résolutions de l’assemblée, sur la procédure, et non sur le fond même de l’afFaire. De tels appels sont du reste fort rares, plus rares que les injustices ou les excès de pouvoir. L’attachement du moujik pour le mir lui en fait accepter toutes les décisions, il n’aime point à recourir contre lui à une autorité étrangère. Dieu seul juge le mir, dit un proverbe populaire.

L’assemblée de village est ainsi souveraine dans son étroit domaine, et son autorité, presque égale à celle de l’ancien seigneur, est peut-être plus respectée. La commune délivre des congés temporaires à ceux de ses membres qui veulent gagner leur vie ailleurs ; souvent elle impose, en échange des charges communales, une sorte de redevance fort analogue à l’obrok du servage[1]. Ce n’est

  1. La plupart des paysans des régions du Nord répandus dans les villes