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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/439

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bunaux finlandais avaient beau prononcer, conformément aux lois du grand-duché, des sentences de mort, aucun condamné n’était exécuté, le souverain commuant toujours la peine[1]. S’il fallait juger de la civilisation d’un peuple par la douceur des lois pénales, la Russie eût pu réclamer la première place en Europe.

Cette suppression de la peine de mort n’a peut-être pas été étrangère aux restrictions apportées aux garanties légales et aux tribunaux ordinaires. La bénignité de la loi commune semble l’un des motifs qui ont décidé le législateur à recourir à un code spécial, en même temps qu’aux tribunaux militaires. La mansuétude des lois peut ainsi tourner indirectement contre les organes chargés de les appliquer. En temps de troubles, cette abolition de la peine capitale pousse le pouvoir à transmettre à des tribunaux d’exception le jugement des crimes commis contre ses agents. De cette façon la douceur même du code pénal tend à rendre la répression plus sévère pour les attentats inspirés par le fanatisme et l’utopie que pour les forfaits provoqués par les passions les plus basses ou les plus perverses. C’est ce qui s’est vu depuis les oukazes qui ont, dans nombre de cas, substitué les conseils de guerre au jury et aux tribunaux civils. Dans la justice militaire, en Russie comme ailleurs, règne encore souverainement la peine de mort : aussi, lorsque le gouvernement impérial remettait aux cours martiales le jugement de tous les crimes contre la personne des fonctionnaires, il ne modifiait pas seulement la compétence des tribunaux et la procédure judiciaire, il changeait, il aggravait la pénalité. La peine capitale était tellement tombée en désuétude que, dans les causes politiques où elle demeurait autorisée par la loi, elle n’était pas prononcée par les juges. Les travaux forcés restaient la peine la plus élevée qui pût atteindre les

  1. Un nouveau code pénal, récemment élaboré par la diète finlandaise, supprime la peine de mort, sauf, comme en Russie, pour les crimes de haute trahison et les attentats sur la personne du souverain.