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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/440

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assassins des gouverneurs de province ou des chefs de la police. Quand le gouvernement a jugé nécessaire de répondre par l’échafaud au poignard et au revolver des « nihilistes », c’est aux tribunaux militaires et à la loi martiale qu’il a dû recourir. C’était là une conséquence presque inévitable du duel engagé entre l’administration et la révolution, entre la police et les sociétés secrètes. Pour les adversaires du pouvoir, ce recours aux tribunaux militaires et à la peine de mort devint la cause ou le prétexte de nouveaux attentats. Chose caractéristique des mœurs et de l’état social : le gouvernement impérial et les comités révolutionnaires se rejetèrent mutuellement la responsabilité de cet appel au dernier supplice. Des deux côté, on tenait devant l’opinion à se présenter comme en état de légitime défense, à persuader qu’on n’usait que d’inévitables représailles envers des antagonistes sans scrupules.

Les dates montrent avec quelle promptitude les deux adversaires se sont porté et rendu les coups dans cette lutte inégale. C’est à Odessa, alors placé en état de siège par suite de la guerre de Bulgarie, que, pour la première fois, des prévenus politiques ont été déférés à un tribunal militaire. À la fin de juillet 1878, cinq jeunes gens et trois jeunes filles étaient traduits devant le conseil de guerre d’Odessa, comme coupables de complot et de résistance armée à l’autorité. Le principal prévenu, un certain Kovalski, un fils de prêtre, comme tant de ces agitateurs, était, en vertu de l’état de siège, condamné à la peine de mort. Le 2 août Kovalski était fusillé dans la métropole de la Mer Noire, et deux jours après, le 4 du même mois d’août, à l’autre bout de la Russie, les coreligionnaires du condamné répondaient à son exécution par l’assassinat du chef de la IIIe section, le général Mezentsef. Le maître de la haute police avait été prévenu par des avis anonymes que sa vie devait payer pour celle du condamné d’Odessa. En réponse au meurtre du 4 août, le 9 du même mois, un oukaze impérial déférait aux tribunaux militaires tous