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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/443

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par l’exécution sommaire de la loi de Lynch. Nous sommes ici ramené à une remarque que nous avons dû faire plus d’une fois à propos de l’administration ou de la justice, à propos de l’élection des maires ou des juges de paix par exemple. Les lois en Russie sont parfois plus libérales, plus démocratiques ou humanitaires que chez beaucoup de peuples d’Occident ; mais, dans ce cas, ce que la législation officielle semble avoir d’imprudent ou de prématuré est corrigé, dans la pratique, par l’omnipotence gouvernementale, toujours maîtresse de suspendre comme d’appliquer la loi. L’abolition de la peine de mort est une de ces témérités que le gouvernement impérial a pu se permettre impunément parce qu’il n’est lié par aucun de ses codes. Aussi l’expérience de la Russie ne saurait beaucoup prouver en cette matière pour des États qui ne peuvent prendre avec les lois ou les tribunaux les mêmes libertés.

On serait curieux cependant de connaître les résultats de cette expérience plus que séculaire, de savoir quels effets a eus sur la criminalité russe l’abolition de la peine de mort. En Russie on n’est pas toujours d’accord sur ce point : les uns regrettent la douceur de la législation, la regardant comme un encouragement au crime ; les autres, plus nombreux, maintiennent que le code pénal a eu peu d’influence sur la criminalité et que rien n’autorise à conclure en faveur de l’échafaud. L’homme russe, le paysan du moins, est, dit-on, d’ordinaire assez indifférent à la mort ; grâce au rustique stoïcisme du moujik, la peine capitale ne serait pas un épouvantail bien efficace. Pour une raison ou une autre, il est certain que les faits et les statistiques se prêtent assez bien à la défense de la législation actuelle. On a remarqué que, sous Alexandre II, le nombre des meurtres était resté à peu près dans le même rapport au chiffre de la population que durant la période du règne de Nicolas (183S-1847) où la peine capitale, temporairement rétablie, planait sur la tête des assassins. La comparaison avec les États de l’Occident donne des résul-