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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/444

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tats fort analogues et peut-être plus inattendus. Les relevés officiels, qui, depuis 1871 au moins, sont dressés avec soin, constatent qu’en Russie il n’y a pas plus d’homicides que dans des pays où règne une pénalité plus sévère. Aux yeux des statisticiens russes, les chiffres sont même souvent plus favorables à leur pays qu’à la France ou à la Prusse. En 1870 on trouvait en Russie un peu plus de sept individus, sur un million d’âmes (7,4), condamnés pour homicide : ce qui, vers la même époque, était presque exactement la même proportion que dans les Iles Britanniques (7,5). Depuis, s’il faut en croire les statistiques du ministère de la Justice, la proportion des homicides à la population est demeurée sensiblement la même. De pareilles comparaisons entre la Russie et l’étranger, il résulterait en apparence que, non seulement la potence et la guillotine, mais que le degré de civilisation, que le régime politique, que l’état religieux et économique des peuples européens n’ont sur le développement de la criminalité qu’une imperceptible influence. Ce serait là une conséquence forcée, aisée à battre en brèche au moyen d’autres comparaisons et d’autres chiffres. En pareille matière les statistiques de pays à pays prouvent peu de choses[1]. Pour prétendre à quelque exactitude, il faudrait tenir compte de la régularité de la police aussi bien que de la sévérité des tribunaux.

Ces résultats n’en fournissent pas moins des armes aux adversaires du rétablissement de la peine de mort. Ceux-ci sont assurément en majorité. Nulle part les théories de l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg sur le rôle providentiel du bourreau n’ont trouvé moins d’échos. La peine capitale est, parmi les Russes, d’autant plus impo—. pulaire que la suppression en est regardée comme un titre d’honneur national. On ne saurait donc s’étonner

  1. C’est ce qu’a très bien montré un italien, M. Em. Pascale, dans une étude ayant pour titre : Uso ed abuso della Statistica (Rome, 1885), chap. II et X.