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CHAPITRE VIII


La déportation et les travaux forcés. — La Sibérie et les lieux de déportation. — Nombre et régime des déportés de diverses catégories. — Forçats et exilés politiques. — Effets de cette colonisation pénale. — Ses défauts. — Utilité de la restreindre. — Causes qui en empêchent la suppression. — Les prisons et la réforme du code pénal. — Caractère de la criminalité russe.


La Sibérie a dans les deux hémisphères une sombre réputation : elle la doit moins à son rude climat qu’à la multitude d’exilés qu’elle a engloutis depuis des siècles, qu’aux légendes dont la pitié publique ou l’imagination des écrivains ont entouré les déportés. Avec ses blanches et silencieuses solitudes, avec ses steppes durcies par le froid, la Sibérie apparaît de loin comme une immense prison de neige, comme une sorte d’enfer de glace, pareil au dernier cercle de l' Inferno de Dante. Certes peu de contrées au monde ont reçu de la nature moins d’attraits pour l’étranger. Un tiers de ces immenses surfaces est compris dans le cercle polaire, et, plus au sud, le relief élevé du sol rend souvent le climat aussi rigoureux qu’au nord, en sorte que la moitié même de la Sibérie méridionale demeure impropre à l’agriculture ou à la vie civilisée. Les régions les plus chaudes, ouvertes tour à tour au vent glacial du pôle et au souffle desséché des déserts de l’Asie centrale, ont la température moyenne de la Finlande, mais avec un climat notablement plus continental, c’est-à-dire, avec de plus grands écarts entre les saisons extrêmes, de façon qu’aux hivers les plus rigoureux peuvent succéder des étés brûlants[1].

  1. La température moyenne de la ville la plus chaude de la Sibérie, Vladi-