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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/451

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comme telle peut se remarier. L’église et le gouvernement admettent encore cette cause d’annulation du mariage. À l’honneur du peuple russe, à l’honneur des femmes russes en particulier, il faut dire que si cette mort légale a parfois donné lieu à d’écœurants spectacles, elle a le plus souvent suscité de généreux dévouements. C’est ainsi qu’après la conspiration de décembre 1825, qui fit envoyer en Sibérie tant des membres les plus brillants de l’aristocratie, les femmes de déportés, appartenant aux premières familles de l’empire, des Troubetskoï, des Volkonski, des Narychkine, des Mouravief, loin de profiter du triste privilège que leur concédait la loi, demandèrent comme une grâce d’échanger, à la suite de leurs époux, les salons de Pétersbourg ou de Moscou contre les solitudes glacées de la Sibérie orientale, où beaucoup sont mortes, où les autres ont vieilli pour ne rentrer dans le pays de leur jeunesse que sous le règne d’Alexandre II, après trente années d’exil. Depuis, des centaines et des milliers de femmes de tout rang ont suivi ce noble exemple ; celles qui ne le feraient point seraient mises au ban de la société.

Si les mines de Nerlchinsk n’ont pas été abandonnées, elles n’occupent plus qu’un petit nombre de condamnés, qui vivent au-dessus de terre et jouissent d’une liberté relative. La plupart des forçats de Sibérie sont employés à des travaux qui n’ont rien de particulièrement pénible, soit dans les établissements de l’État (zavody), dans les fabriques ou les salines, soit à la construction ou à l’entretien des routes, soit enfin dans de petits ateliers ou des jardins. Parfois même ces condamnés aux travaux forcés ne sont en fait assujettis à aucun travail régulier. Dans les bagnes comme dans les prisons russes régnent trop souvent le laisser-aller et l’oisiveté[1]. D’après les règlements, les forçats ne sont retenus dans la prison (ostrog), ou dans

  1. Voyez par exemple un missionnaire anglais, H. Lansdell : Through Siberia, 1882, et M. E. Cotteau, De Paris au Japon à travers la Sibérie, 1884.