Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valle, qui, depuis la fin du règne de Nicolas, avait été en diminuant sans cesse.

Les forçats ou galériens (silno-katorjniki) sont naturellement les moins libres. Les travaux forcés remplacent la peine de mort, supprimée en 1753 par l’impératrice Élisabeth. Non contente de renverser i’échafaud, la loi russe n’admettait point, jusqu’en 1872, de travaux forcés à vie ; leur durée n’excédait pas vingt ans. Si, depuis 1872, la loi a rétabli les travaux forcés à perpétuité, cette peine n’est presque jamais appliquée dans la pratique, pour les crimes de droit commun du moins. Grâce à l’indulgence du jury et des juges, vingt ans restent le maximum réel des travaux forcés ; ce temps passé, le forçat rentre dans la classe des condamnés colonisés. Autrefois, sous Nicolas et Alexandre Ier, les galériens subissaient d’ordinaire leur peine dans les mines de Sibérie, spécialement dans les mines d’argent de Nertchinsk, situées à plus de deux cents lieues au delà d’Irkoutsk et du lac Baïkal. Les criminels, associés parfois aux condamnés politiques, travaillaient enchaînés et demeuraient jour et nuit au fond des humides galeries où ils semblaient ensevelis vivants. Affreuse était la peine, et ce n’était pas seulement dans la législation qu’elle était l’équivalent de la mort. Les tempéraments les plus robustes ne parvenaient pas toujours à résister aux fatigues et aux privations de cette vie souterraine. Comme pour le knout, le maximum légal, fixé par la loi, semblait le plus souvent une ironie amère : bien peu des exilés qui descendaient dans les mines de Nertchinsk atteignaient le terme de vingt ans.

Une cruelle aggravation de ce bannissement pénal, c’est la mort civile, et, en Russie, la mort civile n’est pas un vain mot, elle brise tous les liens de famille. Sous Nicolas on enlevait parfois aux déportés, à leurs enfants même, jusqu’à leur nom. Aujourd’hui encore, les héritiers du condamné peuvent s’emparer de ses biens, si toutefois ces biens ne sont pas confisqués ; sa femme devient veuve et