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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/459

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trative[1]. Plusieurs centaines ont été admis à rentrer dans leurs foyers ; pendant que d’autres suspects allaient prendre leur place dans la région du Baïkal ou sur les côtes de la mer Blanche. À cet égard comme toujours, la conduite du gouvernement impérial a bien des fois varié dans la même année, selon les influences dominantes et l’humeur du moment. Les périodes de rigueur succèdent rapidement aux heures de clémence, et les inspirations de l’humanité s’enchevêtrent d’une manière bizarre avec les suggestions de la colère[2].

L’énorme population pénale de la Sibérie se répartit d’une manière très inégale dans ses diverses régions. Le gouvernement de Tobolsk recevait naguère encore plus du tiers des déportés, 8000 pour chacune des dernières années du règne d’Alexandre II, Tomsk environ 2500, Iéniseisk 3500, Irkoutsk un peu moins de 4000, les territoires du Transbaïkal et de Iakoutsk un peu plus de 500. La moitié à peine des condamnés étaient dirigés sur la Sibérie orientale, bien que cette dernière, beaucoup plus vaste et beaucoup moins peuplée, semble plus propre à la colonisation pénale. Dans une telle armée de criminels, dispersés sur d’immenses espaces, et la plupart cantonnés seulement en telle ou telle localité, il n’est pas aisé d’empêcher les désertions. On calcule qu’un tiers des condamnés s’échappe, ce qui jette chaque année sur la Sibérie 6000 vagabonds. Aussi y a-t-il un écart considérable entre le contingent officiel de la déportation et l’efFectif réel des déportés. À la date du ler janvier 1876, par exemple, plus

  1. Voyez plus haut, livre II, chap. v. La plupart des internés, rappelés par le général Loris Mélikof, en 1880-1881, étaient dans un tel état de dénûment qu’ils ne pouvaient profiter de l’autorisation de rentrer chez eux. L’État dut prendre à sa charge les frais de leur rapatriement ; mais, grâce aux oscillations de la politique impériale, beaucoup de ces malheureux ne sont revenus que pour recommencer bientôt en sens inverse leur voyage d’exil.
  2. Vers le 1er avril 1882, la commission de revision instituée par le général Ignatief avait examiné les dossiers d’environ 600 déportés, dont la moitié avaient été rendus immédiatement à la liberté.