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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/458

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haute police, soit en moyenne trente-huit par année. En vérité, l’institution admise, la IIIe section ne pouvait guère user de ses pouvoirs avec plus de modération. Il est vrai qu’aux déportés en Sibérie s’ajoutait un nombre peut-être égal d’internés de toute sorte dans les provinces de la Russie d’Europe[1].

Depuis l’inauguration de la longue série d’attenlals politiques, le nombre des déportés par voie administrative a naturellement crû d’une manière énorme. Durant les dernières années d’Alexandre II, il a certainement plus que décuplé, peut-être centuplé, sans cependant que le chiffre des exilés politiques atteignit les proportions fabuleuses qu’on lui a parfois prêtées à l’étranger[2]. Après avoir essayé de se débarrasser de tous ses secrets adversaires en éloignant tous les suspects, le gouvernement impérial s’est convaincu à plusieurs reprises de l’inefficacité de ces déportations en masse. Déjà le général Loris Mélikof, durant la dernière année d’Alexandre II, avait rendu la liberté à un certain nombre des victimes de la police. Sous Alexandre III, le général Ignatief a institué une commission pour reviser le dossier des déportés par voie adminis-

  1. Outre les bannis par voie administrative, il y a en Sibérie une classe de colons forcés beaucoup plus considérable, que l’on confond souvent à tort avec les premiers : ce sont les déportés par sentence des communes ou des corporations de bourgeois, investies du droit d’exclure de leur sein les membres vicieux. Les communes de paysans usent largement de cette espèce d’ostracisme, car, de 1870 à 1885, la moyenne des transportés de cette catégorie dépassait cinq mille par an. En 1883, le nombre de ces exilés du village natal était de plus de 6000, et ils avaient été accompagnés par 3500 personnes de leur famille. (Comptes rendus de l’administration des prisons publiés en 1885.)
  2. Le gouvernement ne sait pas toujours au juste le nombre des déportés ou internés en Asie ou en Europe. D’après une communication du Messager officiel, en septembre 1881, il y avait à cette époque 2873 individus internés par la police, y compris ceux qui n’avaient pas été enlevés à leur résidence habituelle. Au printemps de 1882, le nombre des déportés par voie administrative était estimé de 2600 à 2800. D’après un rapport publié, en 1885, par l’administration des prisons, le nombre des déportés par voie administrative (en dehors des paysans expulsés par leurs communes) s’était élevé en 1883 à 421.