Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/494

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Cette manière de redresser une à une, au moyen de communiqués ou d’avertissements, les erreurs quotidiennes de la presse, a pour un gouvernement un grand inconvénient : on est tenté de lui imputer la responsabilité de toutes les opinions qu’il laisse librement circuler. L’étranger surtout, regardant le pouvoir comme le maître et le régulateur de tout ce qui se publie dans l’empire, voit sa main ou son inspiration dans tout ce qui s’imprime en Russie. De là, aux époques de complications européennes, des jugements mal fondés et souvent fâcheux pour la politique et la diplomatie impériales. On l’a bien vu, à propos de l’acrimonieuse polémique soulevée à diverses reprises entre les feuilles russes et les feuilles allemandes. L’administration tolère-t-elle dans la presse des récriminations contre les cabinets étrangers, on reproche aux ministres du tsar de fomenter les passions nationales. Les imprudentes déclamations des journalistes retombent sur le gouvernement, soupçonné de connivence avec tout ce qu’il n’interdit pas. Les adversaires de sa diplomatie affectent de prendre la voix criarde des gazettes comme l’écho du ministère des Affaires étrangères. Pour la politique du cabinet impérial, cette dépendance de la presse, qu’il est censé faire taire et parler à volonté, est ainsi moins un secours qu’une gêne[1].

Les Russes connaissent trop bien leurs journaux pour les regarder comme des automates montés par le pouvoir, ou comme les confidents de la chancellerie impériale. Eux aussi cependant se demandent parfois si, derrière telle ou telle feuille, ne se cache pas à l’occasion quelque haut per-

    convaincu du principe autocratique, ce qui n’a pu la mettre à l’abri des pénalités administratives ; notamment en 1885.

  1. Aussi le gouvernement a-t-il été mainte fois contraint de notifier à la presse quelle devait être son attitude dans telle question déterminée. C’est ce qu’il a fait plusieurs fois sous Alexandre II, relativement aux affaires d’Orient, ce qu’il a dû faire de nouveau sous Alexandre III, en 1882, pour la polémique avec la presse allemande, et, durant l’hiver 1885-86, pour arrêter les attaques contre l’Autriche-Hongrie.