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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/504

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en Galicie ; je ne crois pas qu’en Russie il existe un seul journal malo-russe, tandis que l’Autriche en possède plusieurs[1].

La presse provinciale en langue nationale n’est pas beaucoup plus heureuse. La loi de 1865 a laissé toutes les provinces sous la censure préventive. Tandis que, pour l’administration et la justice, le gouvernement a étendu peu à peu à l’intérieur de l’empire des institutions essayées d’abord dans les capitales, il est resté en route pour la presse et n’a point achevé son œuvre. Le sort des journaux de province n’est point meilleur que sous Nicolas ; à quelques égards même il est pire. Sous Nicolas, quand la censure dépendait du ministère de l’Instruction publique, les censeurs de province étaient des inspecteurs de l’enseignement ou des proviseurs de collège, des hommes ne relevant pas directement de l’administration et qui, en dehors de la politique, portaient aux lettres ou à la science un intérêt professionnel. Aujourd’hui ce sont des employés du ministère de l’Intérieur, le plus souvent des commis pris dans les bureaux des gouverneurs, n’ayant ni la connaissance ni le goût des choses de l’esprit. Ces bourreaux de la pensée sont du reste autant à plaindre que leurs victimes, ayant toujours à redouter les suites d’un manque de vigilance. Entièrement à la merci de leurs supérieurs, ils n’ont d’autre règle de conduite que de satisfaire les autorités locales, d’en ménager l’amour-propre et les susceptibilités.

Si médiocres que semblent ces arbitres de la presse, heureuses sont les villes qui en possèdent ! Toutes ne peu-che comme panslavistes ou « moscophiles ».

  1. Voyez t. I, livre II, chap. iv. Il est enjoint aux censeurs de surveiller, dans les écrits malo-russes, non seulement les idées, mais l’orthographe. On doit exiger qu’au lieu d’être conforme à la prononciation, cette dernière soit conforme à l’orthographe russe ordinaire ou à l’ancienne orthographe de la Petite-Russie. Le gouvernement d’Alexandre III s’est un peu relâché de ces rigueurs ; il a autorisé la publication de dictionnaires petits-russiens et de paroles de musique en cette langue, en même temps qu’il permettait rentrée de l’empire à quelques-uns des journaux ruthènes de Galicie, naguère poursuivis en Autriche comme panslavistes ou « moscophiles ».