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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/525

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Depuis le temps de Herzen, les ennemis du pouvoir ont fait des progrès en audace ou en adresse ; non contents d’avoir des imprimeries et des journaux au dehors, ils ont voulu avoir des presses à l’intérieur de l’empire et jusque dans la capitale. D’innombrables pamphlets et des placards de toute sorte, imprimés en Russie même, à la barbe de la censure et de la police, ont été secrètement distribués par les adeptes ou publiquement affichés sur les murs des villes. Dès avant la guerre de Bulgarie, il circulait de nombreuses proclamations anonymes : À la jeune Russie ! À la jeune génération ! Au peuple russe ! etc., sans parler des contes allégoriques spécialement destinés au peuple, tels que l’Histoire des quatre frères et la Machine ingénieuse. Depuis, de telles brochures n’ont plus suffi à l’ambition des agitateurs ; ils ont fondé des journaux dont le premier avait pour titre la devise habituelle du radicalisme russe : Terre et liberté (Zemlia i Volia)[1]. Ce petit journal clandestin était, en 1878 et 1879, le moniteur officiel des révolutionnaires. C’est là que se publiaient les sentences rendues par des juges mystérieux. Outre des articles de fond et une partie pour ainsi dire officielle, cette singulière feuille contenait des correspondances, des feuilletons, voire même des annonces, et le prix de vente des numéros. Pour ces journaux ou ces pamphlets, le mode de distribution variait : on les envoyait sous enveloppe par la poste ; on les insérait dans des journaux conservateurs ; on les faisait distribuer dans les rues par d’innocents complices ne sachant pas lire ; on les déposait aux portes des maisons

    liste, le Volnoé Slovo (la Parole libre), que ses confrères, plus violents, ont eu la singulière idée de dénoncer comme une fondation du général Ignatief et du gouvernement impérial. En 1883 a commencé à paraître à Genève le Messager de la Volonté du peuple (Vésinik narodnoï volii), organe des terroristes. À cette liste on peut ajouter l’Obchichée Délo (la Cause générale), la Hromada ou Commune, revue ukrainophile, rédigée en petit-russien par M. Dragomanof, et diverses feuilles en polonais.

  1. Terre et Liberté était déjà le titre ou la devise d’une association révolutionnaire, formée vers 1860 et 1862 pour exciter le peuple des campagnes à la révolte et obtenir aux anciens serfs la possession gratuite de la terre.