Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/56

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vince prirent parti contre eux sans même toujours se rappeler leurs services passés.

À tort ou à raison, on était porté à les rendre responsables des abus qui envahissaient les communes soumises à leur surveillance. Ces magistrats du reste avaient été institués spécialement en vue de l’émancipation ; ils ne pouvaient guère lui survivre indéfiniment. Ils ont été licenciés par une loi de 1874, dans les provinces centrales du moins, dans les gouvernements foncièrement russes, pourvus par Alexandre II d’assemblées provinciales. Ailleurs, dans les provinces occidentales, encore placées, comme nous le verrons, en dehors du droit commun, les arbitres de paix n’ont pas été supprimés ; mais dans ces provinces ils sont nommés par le gouvernement et non par la noblesse, en sorte qu’ils sont de vrais fonctionnaires.

Une des choses les plus reprochées à ces médiateurs de paix, c’était leur arbitraire vis-à-vis des communes. Or, ces magistrats supprimés par l’empereur Alexandre II, un oukaze de l’empereur Alexandre III (12 juillet 1889) les a rétablis, sous un autre nom, avec des pouvoirs plus étendus. Ils s’appellent aujourd’hui chefs de cantons ruraux (zemskiié outchastkoviié natchalniki). Selon l’habitude russe, ils n’ont d’abord été installés que dans un petit nombre de provinces ; c’est peu à peu que la nouvelle organisation devra s’étendre à tout l’empire. En réalité, ces chefs de canton ont été institues pour transformer, de fond en comble, toute l’administration et la justice locales. Le statut d’émancipation était resté la charte des paysans ; cette charte, la loi de juillet 1889 l’a sérieusement entamée.

La création de ces natchalniki a été la grande réforme intérieure du règne d’Alexandre III. À vrai dire, c’était bien moins une réforme qu’une contre-réforme. Elle s’est inspirée de principes opposés aux maximes en honneur sous le règne précédent. Les conseillers du tsar libérateur, les