Aller au contenu

Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/579

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient pas se dérober. Les ennemis du gouvernement ont encore comme ressource la falsification des assignats ou billets qui remplacent le numéraire, et ils ont poussé l’audace jusqu’à plonger la main dans les coffres de l’État, s’attaquant aux caisses des régiments et des postes aussi bien qu’à celles du trésor. Le vol de la trésorerie de Kharkof en 1879, vol effectué à l’aide d’une galerie souterraine, selon un procédé qu’on a depuis tenté de répéter ailleurs, à Kichinef notamment, avait d’un coup livré aux conspirateurs un million et demi de roubles, soit environ quatre millions de francs. Avec cela, avec le quart ou le dixième de cette somme, il y avait de quoi creuser plus d’une mine et forger bien des bombes.

Ces ressources diverses, qui n’arrivaient pas toujours intactes au comité exécutif, ont pu s’épuiser. La lutte se prolongeant indéfiniment et le nombre des victimes allant sans cesse en augmentant, les ennemis du tsarisme devaient chercher à donner aux contributions de leurs partisans la forme d’un subside régulier. Ils ont tenté d’instituer, pour leurs coreligionnaires politiques, une sorte de denier de saint Pierre de la révolution. Au commencement de 1882, l’organe officiel de la faction terroriste, la Narodnaïa Volia[1] annonçait la création d’un comité central de « la Société de la Croix-Rouge de la Volonté du Peuple ». Les apologistes de la dynamite s’emparaient ainsi de ce nom de Croix-Rouge, rendu justement populaire en Russie par les femmes de tout rang qui, durant la guerre de Bulgarie, avaient généreusement servi sous ses brassards. La révolution avait, elle aussi, ses blessés, ses captifs, ses invalides, que leurs compagnons d’armes ne pouvaient délaisser. Il existait déjà, si je ne me trompe, une espèce d’association de secours mutuels parmi les révolutionnaires de Pétersbourg ; mais le comité de la Volonté du Peuple voulait centraliser à son profit toute l’organisation des adversaires du pouvoir. D’après la Narodnaïa Volia,

  1. Dans son septième numéro (23 déc. 81-4 janv. 82).