Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/580

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le but de la nouvelle société était « de prêter un appui matériel et moral à toutes les personnes souffrant persécution pour la liberté de la pensée et de la conscience ». Le comité central faisait dans ce dessein appel à tous les gens de bonne volonté, sans distinction de classe ou de nationalité. On tentait d’installer des sections de la Croix-Rouge révolutionnaire à l’étranger. À Paris, un appel public, signé des noms de Pierre Lavrof et de Véra Zasoulitch, qui se donnaient comme les agents autorisés du comité de Pétersbourg, paraissait en janvier 82 dans l’Intransigeant et motivait l’expulsion de l’ex-colonel Lavrof. Bien qu’on ne pût nier la réalité des souffrances que la nouvelle Croix-Rouge prétendait secourir, le comité qui l’avait fondée, la feuille clandestine qui l’avait patronnée, le nom même de « Volonté du Peuple » qu’elle prenait pour devise, comme pour mieux indiquer ses liens avec la fraction terroriste, ne permettaient guère de supposer que la bienfaisance en fût l’unique objet. Toujours est-il que la Société a fonctionné. Si, en France, elle n’a pu s’établir ostensiblement, elle a pu, en Angleterre, tenir des conférences publiques et recueillir des souscriptions pour « les victimes de la tyrannie du tsar », en même temps que, d’après des procès d’Outre-Rhin, elle recevait secrètement l’obole de certains socialistes d’Allemagne.

Quelles que soient les destinées de la Croix-Rouge terroriste, ce n’est pas au dehors que la révolution russe puisera jamais ses principales ressources. Les alliés étrangers du nihilisme ont eux-mêmes trop de besoins pour venir largement en aide à leurs amis du Nord. Les révolutionnaires russes n’ont pas, comme la Land-League ou les Fenians d’Irlande, de naturels et puissants auxiliaires au delà des mers. Ils sont obligés de compter avant tout sur eux-mêmes ; mais, si pauvres que semblent leurs finances, ce n’est pas faute d’argent que cessera la lutte. L’histoire des conspirations et l’horrible fin d’Alexandre II montrent qu’en fait de complots ce ne sont pas toujours