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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/604

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CHAPITRE IV


De la forme des libertés politiques. — La Russie peut-elle à cet égard avoir des institutions nationales. — Difficultés de l’imitation et difficultés de l’originalité. — Les données du problème et les principales solutions mises en avant — La consulte d’Alexandre II. — Dangers croissants du statu quo. — Conclusion générale.


Il est une prétention presque aussi présomptueuse et non moins décevante pour les peuples que pour les individus, c’est celle de tirer tout de leur propre fonds, d’être en tout et partout original. Nulle part ce penchant n’est plus prononcé qu’en Russie. En aucun pays on n’a autant prêché que hors des voies nationales il n’y avait pas de salut. De même qu’à Stamboul et à Yldiz Kiosk on se plaît à proclamer que la régénération de la Turquie est dans le retour à ses traditions et aux principes de l’islam, à Moscou et à Gattchina nombre de patriotes soutiennent que, pour être grande et prospère, la Russie doit évincer « Teuropéisme cosmopolite » ; comme si entre le nouveau panislamisme et le panslavisme ou le néo-slavophilisme, quelque injurieux que puisse sembler un tel rapprochement, il y avait sous ce rapport une secrète parenté. Ces idées, on le sait, ne sont pas sans échos près de l’impérial élève de H. Pobêdonotsef, si bien qu’on a pu dire qu’Alexandre III s’imposerait la tâche de « rerussifier » la Russie[1]. Or, quoi de plus russe, de plus national que l’autocratie ? quoi de plus étranger que la liberté politique ?

  1. « Re-Russianize Russia », expression de O. K. (Olga Kiréief), Mme de Novikof, dans un article du Fraser’s Magazine.