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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/606

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slavophiles peuvent seuls se faire illusion à cet égard. L’ancienne Moscovie, en dehors même du vetché de la Russie primitive, a bien eu des assemblées plus ou moins analogues à nos États généraux. Dans le zemskii sobor, le « concile du pays », siégeaient, à côté des boïars et des dignitaires du clergé, les représentants des villes. En convoquant une assemblée de délégués des diverses classes de la nation, le tsar ne ferait que reprendre une ancienne tradition moscovite, qu’imiter un exemple donné plusieurs fois par ses pères avant Pierre le Grand. Ce zemskii sobor des seizième et dix-septième siècles, irrégulièrement convoqué aux époques de crise ou de calamités publiques, aux heures de discordes civiles ou religieuses, toujours intermittent et sans droits ni prérogatives définis, saurait moins fournir à la Russie contemporaine un modèle qu’un exemple ou un précédent. Aux peuples modernes, ces assemblées moscovites, tout comme nos États généraux, n’offrent guère de leçons. Il serait difficile de leur emprunter beaucoup plus qu’un nom, mais, pour les peuples et l’amour-propre national, un nom est parfois quelque chose.

Jusqu’aux recherches historiques contemporaines et à la naissance de l’école slavophile, ce ne sont pas ces souvenirs du zemskii sobor et de l’ancienne Moscovie qui éveillaient chez certains Russes des velléités constitutionnelles ; c’était le plus souvent le contact de l’Europe et les enseignements de l’étranger. De pareilles aspirations sont en effet loin d’être nouvelles en Russie. Le dix-neuvième et le dix-huitième siècle comptent plus d’une tentative de borner l’autocratie ; mais longtemps tous les projets de ce genre, inspirés à quelques boïars par l’exemple de la Suède, de la Pologne, de l’Angleterre, ont été formés sur des modèles aristocratiques qui répugnaient aux coutumes et au génie russes. De là, en partie, l’échec de tous ces rêves ambitieux, depuis la constitution oligarchique imposée à Anna Ivanovna par les Dolgorouki ot les Galitzino, jusqu’à l’in-