Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/615

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C’eût été là du régime représentatif à petite dose, à dose homéopathique pour ainsi dire. Un pareil statut aurait assurément quelque chose de neuf, quelque chose de russe et de national. Si peu que cela semble, cela eût pu être à son heure un grand pas. Une assemblée à demi bureaucratique, du genre de celle proposée naguère aux Bulgares, eût pu servir de transition et comme de pont entre le système autocratique actuel et un système vraiment constitutionnel, sauf plus tard, avec le progrès de l’éducation politique, à dédoubler une pareille assemblée, mettant dans une chambre les mandataires directs de la nation, dans l’autre les hauts dignitaires avec les membres désignés par la couronne.

Il a été, sur la fin du règne d’Alexandre II, question d’une autre combinaison dont la mort inopinée de ce prince a seule empêché la mise à exécution. Il ne s’agissait de rien moins que de la convocation d’une assemblée entièrement élue par les états provinciaux et les doumas des grandes villes. On était au commencement de 1881, sous le ministère de Loris-Mélikof. Le général et plusieurs de ses collègues sentaient la nécessité d’obtenir l’appui efficace de la nation et comprenaient qu’ils ne pourraient l’obtenir qu’en réunissant les représentants du pays. Une telle idée était difficile à faire accepter d’Alexandre II, qui personnellement tenait peu au pouvoir absolu, mais ne se croyait point appelé à inaugurer l’ère constitutionnelle. Pour ménager ses scrupules et ses préventions, autant que pour aplanir le passage de l’ancien ordre de choses au nouveau, ses ministres n’avaient osé lui recommander qu’une assemblée consultative. De même qu’aujourd’hui le conseil de l’empire, le nouveau sobor russe n’eût fait qu’étudier les lois dont le projet lui aurait été soumis. La décision fût toujours restée au souverain. On représentait à l’empereur que de cette façon le pouvoir autocratique resterait intact. Alexandre II semble avoir senti que les faits pourraient ne pas répondre à la théorie, et qu’une fois engagé