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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 2, Hachette, 1893.djvu/614

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et de hauts fonctionnaires désignés par le pouvoir, de sorte que le gouvernement et l’administration eussent eu, dans cette sobranié, à peu près autant de représentants que le peuple. Pour les rédacteurs du projet pétersbourgeois, c’était peut-être là une manière de symboliser l’union, tant vantée des slavophiles, entre le prince et la nation[1]. Les notables de Tirnovo ont eu beau expulser de leur assemblée nationale les délégués du pouvoir, il serait loisible de trouver à ce système le caractère slave, si prisé de certains patriotes. Cette partie du projet russe, en effet, semble avoir été un emprunt à une principauté voisine, à la Serbie, alors le seul État slave qui possédât un gouvernement représentatif. Dans la skoupchtina serbe, qui paraît avoir servi de modèle au Sieyès russe, un quart environ des membres sont désignés par le souverain. Sur ce point l’originalité slave consisterait donc à réunir dans une même assemblée les élus de la nation et les délégués du gouvernement, à confondre dans une même enceinte deux éléments d’origine diverse, ailleurs répartis en deux chambres différentes.

En tout cas, rien ne serait plus facile que d’appliquer à la Russie un tel procédé ; il n’y aurait guère qu’à adjoindre au conseil de l’empire (gosoudarisvenny sovêt), avec quelques hauts dignitaires civils, militaires ou ecclésiastiques, des représentants élus de la nation, par exemple des délégués des états provinciaux (zemstvos). Il sortirait de cet amalgame une assemblée de nature mixte, fort peu inquiétante pour le pouvoir. On sait que dans les dernières années il a plusieurs fois été parlé de quelque mesure de ce genre.

  1. La moitié des évêques, la moitié du haut personnel judiciaire et la plupart des hauts fonctionnaires devaient être membres de droit de l’assemblée nationale bulgare ; en outre, d’après l’article 79, un tiers des membres devaient être nommés parle prince. En se refusant à subir ce projet, les Bulgares, comme nous l’avions trop bien prévu, se sont exposés à la suspension de leur jeune constitution. Voy. la Revue des Deux Mondes du 15 juin 1880, page 819.