Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/153

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Cette manière de constater la sainteté emporte, en effet, le culte du corps des saints, autrement dit le culte des reliques, et par suite les pèlerinages. Il en a été ainsi, de tout temps, chez les Russes : on le voit par les plus anciennes chroniques. Si nombreux que soient les corps saints recueillis dans les églises, il se trouve toujours des pèlerins pour baiser la pierre qui les recouvre. Le goût des pèlerinages est un des traits par où les mœurs russes rappellent le plus l’Orient et le moyen âge. Il est peu de paysans qui n’aient l’ambition de visiter les catacombes de Petcherski ou la tombe de saint Serge à Trollsa. Non contents d’affluer aux sanctuaires nationaux de Kief ou de Moscou, beaucoup, tels que les Deux Vieux de Tolstoï, traversent la mer, poussant jusqu’en Palestine ou au mont Athos. Quelques-uns vont à pied jusqu’au Sinaï. Comme pour les hadjis musulmans, avoir visité les Lieux Saints est un titre de considération dans les villages.

Ces pèlerins, hommes et femmes, sont pour la plupart âgés. Les lois qui l’attachent à la terre et à la commune mettent un frein à la passion du moujik pour ces pieux voyages. Aujourd’hui, comme au temps du servage, il n’obtient guère de s’absenter longtemps que lorsqu’il a élevé sa famille ou qu’il est impropre au travail. Ces pèlerins du peuple cheminent souvent par troupe, d’ordinaire à pied, avec leurs longues bottes ou leurs lapty d’écorce de tilleul, marchant lentement des semaines et des mois, parfois mendiant en route, couchant à la belle étoile ou sous de vastes hangars dressés, pour eux, auprès des monastères en renom. Aucune distance ne les effraye : on a vu des femmes et des vieillards traverser ainsi l’empire, des frontières de l’Occident au cœur de la Sibérie, ou des rives du Dniepr aux bords de la mer Blanche. Beaucoup de ces vieillards des deux sexes, en route vers les sanctuaires lointains, accomplissent un vœu de leur jeunesse ou de leur

    que c’était assez d’un pour un règne, et Tikhone dut attendre une vingtaine d’années ; il n’a été officiellement admis que sous Alexandre II.