Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/285

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dépendance et en servilité. Au temps du servage, le pope vivait surtout des bienfaits du seigneur local : à force d’être son obligé, il devenait son homme, sa créature ; il était comme l’aumônier ou le chapelain du propriétaire. Cet état de choses n’a pu disparaître en un jour avec l’émancipation.

Alors que d’autres pays en discutent la suppression, la Russie incline au salariat des cultes. Chez un peuple, en effet, où l’Église est liée à l’État, le salariat du clergé offre à tous deux plus d’avantages que d’inconvénients. Pour que le prêtre ait profit à se passer des subventions du gouvernement, il faut qu’il soit libre de sa tutelle. Dépendre à la fois de l’État par l’administration ecclésiastique et des fidèles par les besoins pécuniaires, c’est, pour un clergé, une trop lourde servitude. Pour qu’il n’en soit pas écrasé, il faut que l’une de ces deux dépendances l’affranchisse de l’autre. Dans un pays encore pauvre, comme la Russie, subventionner le prêtre serait le meilleur moyen de le relever aux yeux du peuple. L’obstacle est dans les finances. Chacune des réformes de l’empire vient, temporairement au moins, peser sur son budget ; cette considération ne permet pas l’application immédiate de toutes les réformes projetées. Le chapitre du culte orthodoxe est déjà un de ceux qui ont le plus grossi, dans un budget dont tous les chapitres se sont singulièrement enflés. L’allocation du Saint-Synode a plus que décuplé depuis une cinquantaine d’années : en 1833 elle n’atteignait pas 1 million de roubles ; en 1887 elle montait à près de 11 millions. Il est vrai que le clergé urbain ou rural ne touchait guère que la moitié de ces 11 millions[1]. Sur près de 35 000 paroisses, 18 000 en-

  1. Voici, d’après le budget de 1887, comment se répartissaient les sommes allouées au Saint-Synode et au culte orthodoxe :