Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/350

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G*est ainsi, parmi les raskolniks de l’Onéga, que Hilferding a recueilli les principales de ses bylinas ou romances épiques[1]. C’est ainsi que, dans la fête à demi païenne du printemps, A. Petchersky avait cru retrouver, à dix siècles de distance, un écho de la lointaine poésie slave, antérieure à la prédication du christianisme. Dans l’izba des vieux-croyants, les vieilles coutumes se sont conservées intactes, comme enfouies sous la superstition.

L’un des caractères de l’orthodoxie orientale, c’est, nous l’avons dit[2], sa propension à prendre une forme nationale en se constituant en Églises locales, ayant chacune leur langue liturgique. Nulle part cette tendance n’a été plus marquée que chez le Slave russe. À certains égards, le raskol n’a été que la conséquence ou le dernier terme de ce nationalisme. Il est sorti de la liturgie nationale ; il est né des missels slavons. La liturgie slave, héritée de Cyrille et de Méthode, le Russe s’y était attaché avec une ignorante révérence, sans tenir compte des originaux. Le slavon était devenu pour lui la véritable langue sacrée. Identifiant l’orthodoxie avec ses livres et ses apocryphes, le Moscovite n’a pas voulu en croire les Grecs et les textes grecs, appelés en témoins par ses patriarches. Il s’en est tenu obstinément à ses missels slavons, égalés par lui aux Écritures. Chez lui, le côté local, national de l’Église a prévalu sur le côté œcuménique, catholique. Il n’a plus connu que son Église, que sa liturgie, que ses traditions, et il s’y est aveuglément cantonné, comme si la révélation avait été faite en paléoslave, ou comme si la Russie était tout le bercail du Christ. Aussi a-t-on pu dire que le raskol n’a pas été seulement la vieille foi, mais la foi russe[3].

Chez le Moscovite du dix-septième siècle, l’attachement aux formes extérieures du culte était d’autant plus vif que Moscou se méfiait des tentatives des papes et des jésuites

  1. Voyez A. Rambaud, La Russie épique.
  2. Voyez plus haut, liv. II, chap. ii.
  3. Vladimir Solovief, Religioznyia Osnovy jisni : Appendice.