Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/575

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minorité. Plus des neuf dixièmes des dissidents, inscrits malgré eux comme orthodoxes, continuent d’être traités en déserteurs de l’Église et, comme tels, restent passibles des pénalités judiciaires ou administratives.

L’émancipation est loin d’être accomplie. Il reste beaucoup à faire ; certaines autorités ecclésiastiques ou civiles trouvent qu’on a déjà trop fait. Les rapports du haut-procureur du Saint-Synode, M. Pobédonostsef, ont exprimé la crainte que les concessions faites aux raskolniks ne semblent un encouragement au schisme. Les meneurs du raskol en auraient profité pour persuader à leurs adhérents que l’État finissait par reconnaître la vérité de l’ancienne foi. Devant toutes les restrictions maintenues par le législateur, il faudrait bien de la simplicité pour croire à cette conversion du gouvernement. Depuis la promulgation des lois nouvelles, beaucoup de raskolniks honteux, qui fréquentaient l’église et payaient le prêtre, refuseraient, paraît-il, le ministère du pope. Le clergé et le haut-procureur s’en plaignent. Le grand obstacle à la liberté, c’est toujours la crainte de voir le peuple déserter l’orthodoxie officielle.

Au lieu de se placer, vis-à-vis du raskol et des sectes, au point de vue séculier, le gouvernement persiste à les juger du point de vue ecclésiastique. Pour lui, le raskol reste un fléau, une peste, une erreur pernicieuse dont l’État a le devoir d’arrêter la contagion. M. Pobédonostsef, dans ses rapports annuels à l’empereur, parle de l’hérésie et du schisme en évêque, en pontife, s’appropriant, contre les dissidents, les épithètes les plus injurieuses du vocabulaire théologique. Et ce ne sont pas seulement les doctrines immorales ou extravagantes qui sont ainsi officiellement flétries, mais les sectes les plus inoffensives, celles qui, en tout autre pays, jouiraient de la plus entière liberté, le stundisme notamment. En certains villages on a vu, sous Alexandre III, le bas clergé et la police exciter impunément la populace à des violences contre les stundistes. À