Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/619

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confessant ou mariant dans les bois ou dans une arrière-boutique ; la plupart ont été découverts et expulsés ou emprisonnés. Quant au clergé du pays, il suffit que la police aperçoive un uniate causant avec un ksend, un prêtre catholique, ou priant dans une église, pour que le prêtre soit déporté et l’église fermée. La persécution contre les catholiques de rit grec retombe ainsi sur ceux de rit latin. Autrefois les mariages entre grecs-unis et latins étaient communs ; beaucoup d’uniates fréquentaient l’église latine. Des milliers étaient, ainsi, passés d’un rit à l’autre. Depuis la réunion à l’orthodoxie, les popes se sont mis à la recherche des familles passées au latinisme. À l’aide des registres paroissiaux, ils ont exercé une sorte de répétition des âmes, prétendant que les familles qui avaient quitté le rit grec, depuis 1836, devaient être considérées comme orthodoxes. Aux intéressés de prouver qu’aucun de leurs ancêtres n’a été baptisé par immersion.

L’avènement d’Alexandre III avait rendu courage aux uniates. En plusieurs localités, à Biala notamment, beaucoup, pour prêter serment au nouvel empereur, avaient refusé le ministère du pope. L’espoir de ces malheureux a été déçu. Jusque-là ils s’imaginaient que leurs souffrances étaient ignorées du souverain. M. Pobédonostsef, le tout-puissant ober-procouror, les a détrompés. Il a visité la Russie de Chelm ; il a étudié sur place les moyens de dompter les opiniâtres. Pour sanctionner l’œuvre de réunion, il a pris soin d’y associer la personne du tsar. En septembre 1888, Alexandre III s’est rendu solennellement à la cathédrale de Chelm. « Votre visite, a dit à l’empereur l’archevêque Léonce, affermira la foi orthodoxe dans le cœur des fils revenus à notre sainte Église. Le peuple verra, de ses propres yeux, que cette foi est celle de son souverain et qu’il doit s’y tenir fermement. » Ainsi parle le clergé : ces apôtres n’ont qu’un argument : convaincre le peuple qu’il a été ramené à la foi du maître, et qu’il ne lui sera point permis de s’en écarter.