Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/68

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ou musulmans, la plupart des gouvernements autocratiques ont eu un principe religieux. L’Église, au lieu de dominer le pouvoir civil, a beau lui sembler subordonnée, le gouvernement russe est demeuré une théocratie, en ce sens qu’il s’appuie tout entier sur la foi religieuse. J’oserais, à cet égard, le comparer au gouvernement des Hébreux qui, sous leurs rois comme sous leurs juges, faisaient profession d’être gouvernés par Dieu et par la loi divine. Le rapprochement est d’autant plus naturel que le Russe, lui aussi, s’est, depuis des siècles, habitué à se regarder comme le peuple élu, comme le peuple de Dieu. Les fils de la sainte Russie ont, pour leur gosoudar, quelque chose du sentiment que pouvaient avoir les Hébreux pour leurs rois ou, comme dit le Slavon, pour leurs tsars David et Salomon. Qu’est-ce au fond que le régime russe, cette sorte d’anachronisme vivant dans l’Europe moderne ? Le tsarisme n’est qu’une théocratie patriarcale, déguisée par la nécessité des temps et l’influence du voisinage en monarchie militaire et bureaucratique[1].



  1. Comparez t. II, liv. VI, chap. i, p. 552 (2e édit.).