Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/77

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dont la première est d’ordre tout spéculatif, le Vatican en a, sous le pape Pie IX, ajouté deux autres, également repoussées des théologiens russes et grecs, l’Immaculée Conception de la Vierge et l’infaillibilité du pape[1]. De toutes ces dissidences, anciennes ou récentes, une seule, la dernière, a une réelle importance religieuse et politique. En elle se résument tous les dissentiments des deux Églises.

Le fait même de la proclamation de certains dogmes par les Latins, alors que les Grecs repoussent toute définition dogmatique nouvelle, a une sérieuse gravité. Cette opposition révèle une conception différente du rôle de l’Église et de la marche du christianisme. Pour les catholiques, la période des définitions doctrinales reste toujours ouverte ; pour les orthodoxes, elle est depuis longtemps close. Ils n’ont rien à ajouter aux décisions des grands conciles antérieurs à la rupture de Rome et de Constantinople. Certains théologiens romains ont réduit la promulgation successive des dogmes en théorie ; ils l’ont représentée comme une sorte de manifestation graduelle de la vérité se dévoilant de plus en plus clairement aux fidèles. Cette application des idées modernes de développement et de progrès à la théologie est repoussée par l’Église gréco-russe. Elle se refuse à rien laisser ajouter à son symbole, comme à y rien retrancher. « Notre Église, disait sous Nicolas à un théologien anglais Séraphim, métropolitain de Pétersbourg, notre Église ne connaît pas de développement[2] ». À cet égard, l’orthodoxie est presque aussi éloignée des catholiques que des protestants. L’Orient, qui jadis a élucidé et formulé pour l’Occident les dogmes fondamentaux du christianisme, condamne toute adjonction, comme toute

  1. Tandis que les Russes reprochent au Vatican l’Immaculée Conception comme une innovation, les écrivains catholiques se flattent d’avoir découvert celle croyance dans la liturgie russe et dans la tradition des Vieux-Croyants moscovites. Le P. Gagarine : L’Église russe et l’Immaculée Conception (1876).
  2. Palmer : Notes of a visit to the Russian Church, Londres, 1882, p. 326, 329.