Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/183

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qui nous était commune de m’amener chez elle ; à cette époque, elle était très-âgée et dépassait soixante ans ; il ne lui restait guère alors de sa beauté que des regrets ! Sans doute ceux qui l’avaient vue belle replaçaient en pensée, sur ses traits altérés, ces formes charmantes qu’ils n’avaient plus. Moi, je ne vis qu’une femme vieille, de taille moyenne et de traits délicats ; mais, quoique l’art qui présidait à sa toilette fût aussi habile que celui qui dirigeait ses paroles, je ne me figurai point cette admirable beauté qui l’avait rendue illustre. Il était trop tard ! Pourtant j’avais retrouvé cette beauté passée sur les traits de la célèbre madame Lebrun, bien qu’elle fût plus âgée que madame Récamier lorsque je la vis pour la première fois ; mais elle portait plus vaillamment la vieillesse, et les autres ne s’apercevaient pas plus qu’elle que le poids des années lui fût lourd à porter. Ah ! c’est que madame Lebrun avait le goût réel, la passion, le génie des arts et de la littérature, dont madame Récamier n’avait que la vanité. La vie de madame Lebrun était simple, naturelle et toute remplie d’élans spontanés : la vie de madame Récamier était compliquée, calculée ; chaque mot y était habile-