Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/199

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retentissement ; tout le monde devine M. Dupin. Son expression moqueuse m’avait fait pressentir quelque chose d’inconnu, même avant qu’il se fût approché pour me dire :

— Ne vous attendrissez pas ainsi sur cette constante intimité de cinquante années ; car, pendant cette époque, ils ont été, volontairement, trente-cinq ans séparés !

J’achevais à peine ce récit, que Chateaubriand s’écria en riant :

— Et sur les quinze ans qu’ils vécurent ensemble ils en passèrent au moins quatorze à se disputer : voilà le mariage !

Ces mots jaillissaient du fond de son cœur, les Mémoires d’Outre-Tombe en font foi.

Lui aussi, Chateaubriand, avait vécu plus de trente années séparé de sa femme. Il s’en était éloigné forcément, lorsque la Révolution l’avait décidé à quitter la France ; plus tard, il pensa sans doute, en y rentrant, qu’ayant adopté une partie des idées révolutionnaires, il ne devait rien revendiquer de ce qu’elles lui avaient fait perdre, et il mit son mariage au nombre des priviléges anéantis. Cependant, trente années plus tard, ministre