Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/201

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— Moi, je n’ai jamais faim avant sept heures. Mais madame de Chateaubriand a toujours envie de dîner à cinq ; alors nous avons décidé que nous nous mettrions à table à six heures précises ; comme cela, nous sommes tous deux contrariés ; c’est ce qu’on appelle faire bon ménage !

Et il sortit en riant, bien sûr d’être grondé, nous dit madame Récamier dès qu’il fut parti.

Après son dîner, il restait quelques instants avec madame de Chateaubriand, puis se retirait dans sa chambre, où il se couchait à neuf heures tous les jours depuis plusieurs années ; il ne fit pas même exception le jour où l’on représenta pour la première fois sa tragédie de Moïse à l’Odéon. La pièce, où se trouvaient de grandes beautés, était mal faite comme œuvre théâtrale et ne pouvait guère réussir sur la scène à une époque où l’on exigeait encore de la raison, de la vraisemblance et du bon sens. Mais Chateaubriand ne résista pas aux flatteurs maladroits qui lui conseillèrent de tenter l’épreuve. Cependant ce peu de succès lui fut désagréable, bien qu’il en plaisantât lui-même. Voici ce qu’il racontait un jour devant moi :