l’époque où je fus dans cette maison, madame Récamier s’absorbait elle-même dans l’existence du grand écrivain dont la société habituelle était sa gloire et son bonheur ; si elle lui devait de nombreux visiteurs et une espèce de renommée, lui a dû aussi à ses soins attentifs de ne pas voir discuter et attaquer la sienne. Madame Récamier arrangeait avec art l’apparition de quelque article louangeur dans un journal, quand Chateaubriand paraissait attristé de l’oubli de ses contemporains et laissait échapper de ces mots amers dont on retrouve un trop grand nombre dans les Mémoires d’Outre-Tombe. Et, si une phrase peu bienveillante apparaissait dans quelque feuille que ce fût, madame Récamier allait souvent elle-même conjurer, auprès du journaliste hostile, l’orage qui semblait gronder. Ainsi s’est gardée de blessures trop sensibles cette vieillesse glorieuse dans un temps où toutes les gloires étaient flétries et où la société française, armée contre tout ce qui dépassait la médiocrité, ne laissait rien subsister de ce qui s’élevait au-dessus d’elle.
Madame Récamier, malgré cette noble amitié, et malgré la foule de gens distingués qu’elle atti-