Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/10

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c’est Thomas Moore, un Irlandais, dans son poème de Lalla Rook.

Mais si l’imagination, de part et d’autre, semble d’une égale richesse, elle n’a point pour cela le même caractère et ne revêt pas les mêmes couleurs. Dans le Nord, la pensée est toujours quelque peu nuageuse, toujours teintée de mélancolie et de tristesse. La féerie n’y est guère que la personnification des forces turbulentes et redoutables de la nature : l’homme, dominé par elles, leur prête la vie de l’esprit. Pour lui, le ciel et la terre se peuplent d’êtres symboliques ; tout l’univers s’anime.

Ce naturalisme n’existe nulle part à un degré plus remarquable que dans Andersen. Il n’est point d’objet qu’il n’ait touché de sa baguette magique et doué de la vie et de la parole. Ses récits forment comme un concert où tous les êtres se répondent. L’homme y fait sa partie avec toutes choses. Non seulement les éléments, les vents, les orages, les eaux, le feu du ciel, non seulement les animaux, les arbres et les plantes lui donnent la réplique, mais les meubles qui l’environnent, les instruments qui lui servent, les jouets qui l’amusent. Il a la faculté de les voir vivre et de les entendre parler. La matière inerte n’existe pas pour lui.

Les héros des contes d’Andersen sont le plus souvent des enfants, des jeunes gens. Rarement il les conduit au delà de la jeunesse. Il est comme la plupart des poètes que le printemps de la vie et le printemps de l’année charment presque exclusivement. Il a l’ironie humoristique, mais il y joint beaucoup de sensibilité et de grâce ; la satire n’est chez lui jamais cruelle. Ajoutez à cela une grande pureté de sentiment, et vous avez assez exactement, je crois, le caractère général de l’œuvre du conteur danois.