Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/154

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Bientôt ils sont au milieu des broussailles qui leur dérobent la vue de la rivière, cette rivière maudite qui emportait le petit cochon dont ils avaient espéré faire un si fameux régal. Poussés par cette pensée, ils avancent toujours. Voilà Christine qui tombe sur une racine. Elle se met à pleurer. Ib lui dit : « Un peu de courage ; notre maison est par là-bas. »

Mais il n’y avait pas du tout de maison par là. Les pauvres petits marchent toujours. Ils font craquer sous leurs pieds les feuilles sèches de l’an dernier et les branches mortes. Ils entendent tout à coup des voix d’homme perçantes et fortes ; ils s’arrêtent pour écouter. Au même moment retentit un vilain cri d’aigle qui les effraye. Ils continuent de fuir. Mais voilà qu’ils aperçoivent les plus belles myrtilles en nombre incalculable. Cette vue dissipe toute leur frayeur. Ils se mettent à les cueillir et à les manger. Ils ont la bouche et jusqu’à la moitié des joues rouges et bleues.

Les cris d’homme recommencent dans le lointain :

« Nous serons joliment punis, dit Christine.

— Sauvons-nous chez papa, reprend Ib ; c’est par ici dans le bois. »

Ils reprennent leur marche, ils arrivent à un chemin et le suivent ; mais il ne conduisait pas à la maison de Jeppe Jaens.

La nuit vint ; il faisait bien sombre et ils avaient grand’peur. Partout régnait un profond silence. De temps en temps ils entendaient seulement les cris du hibou et de quelques autres oiseaux inconnus. Ils étaient bien fatigués ; pourtant ils avançaient toujours. Enfin ils s’égarèrent au milieu des