Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/165

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ensuite pour Copenhague avec sa future belle-mère. Le mariage devait avoir lieu dans la capitale que le fiancé, à cause de ses affaires, ne pouvait quitter. En chemin, elle fut rejointe par son père. Elle s’informa de ce que devenait Ib. Le batelier ne l’avait pas revu, mais il avait-appris de sa vieille mère qu’il était très taciturne, tout absorbé en lui-même.

Dans ses réflexions, Ib s’était souvenu des trois noisettes que lui avait données la bohémienne. Les deux où devaient se trouver le carrosse aux chevaux dorés et les superbes habillements, il en avait fait cadeau à Christine ; et, en effet, elle allait posséder toutes ces choses merveilleuses. Pour lui, la prédiction s’accomplissait aussi : il avait eu en partage de la terre noire. « C’était ce qu’il y avait de mieux, » avait dit la bohémienne.

« Comme elle devinait juste ! pensait Ib : la terre la plus noire, le tombeau le plus sombre, n’est-ce pas ce qui me convient le mieux ? »

Plusieurs années s’écoulèrent, pas beaucoup cependant ; mais elles firent à Ib l’effet d’un siècle. Le vieil aubergiste mourut, puis sa femme. Ils laissèrent à leur fils unique des milliers d’écus. Alors Christine eut un beau carrosse et de magnifiques robes à foison.

Deux ans passèrent encore. Le batelier resta presque sans nouvelles de sa fille. Enfin arriva une longue lettre d’elle. Tout était bien changé. Ni elle ni son mari n’avaient su gérer leur richesse. On eût dit que la bénédiction de Dieu n’y était pas. Ils commençaient à être dans la gêne.

La bruyère refleurit de nouveau pour recommencer à se dessécher. La neige vint s’abattre sur la forêt qui protégeait