Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/168

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galetas. L’air y est lourd et malsain. Il n’y a pas de lumière. On entend quelqu’un respirer péniblement dans un coin et pousser des soupirs de douleur. Ib prend une allumette et, à la lueur qu’il en tire, il aperçoit sur un pauvre grabat une femme, la mère de l’enfant : « Puis-je vous être utile à quelque chose, dit-il. La petite m’a amené ici, mais je suis étranger dans la ville. Ne connaissez-vous pas de voisin ou d’autres personnes que je pourrais appeler à votre aide ? »

En même temps, voyant que la tête de la malade avait glissé de l’oreiller, il la releva et l’y plaça. Il regarda alors le visage de l’infortunée : c’était Christine, autrefois la reine de la bruyère !

Depuis longtemps Ib n’avait pas entendu parler d’elle. On évitait de prononcer son nom devant lui, pour ne pas réveiller de pénibles souvenirs, d’autant plus qu’on ne recevait que de fâcheuses nouvelles. Son mari avait perdu la tête après avoir hérité des richesses laissées par ses parents ; il les avait crues inépuisables. Il avait renoncé à sa place et s’était mis à courir les pays étrangers, menant un train de grand seigneur. Revenu à Copenhague, il avait continué ses dépenses. Lorsque l’argent lui manqua, il fit des dettes. Il s’enfonça de plus en plus dans la ruine. Ses amis et compagnons, qui l’avaient bravement aidé à manger son bien, lui tournèrent le dos, en disant qu’il avait par ses folies mérité son malheur. Un matin, on trouva son corps dans le canal.

Depuis longtemps déjà Christine avait la mort dans l’âme. Son plus jeune enfant, venu au monde au milieu de la misère, avait succombé. Il lui restait une fille, la petite Christine, celle qu’Ib venait de rencontrer. La mère et l’enfant vivaient