Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/20

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passait son temps à découper dans du bois des figures bizarres, des hommes avec des têtes d’animaux, des bêtes étranges, des griffons ailés. De temps en temps il mettait tout son ouvrage dans un panier et partait pour la campagne. Partout les paysannes lui faisaient fête et le régalaient, car il donnait à leurs enfants ces singuliers jouets. Un jour qu’il revenait en ville d’une de ces tournées, j’entendis les gamins de la rue crier après lui. Je me précipitai dans une maison et me cachai de frayeur derrière l’escalier. Je savais bien que j’étais de son sang.

« Tout ce qui m’entourait de près était bien fait pour exciter mon imagination. De plus, à cette époque, où il n’y avait pas de bateaux à vapeur, où les communications par la poste étaient bien plus rares qu’aujourd’hui, Odensée avait un tout autre caractère qu’à présent. Elle semblait arriérée, comme on dit, de plusieurs siècles. Il y régnait encore beaucoup de coutumes des anciens temps qui presque partout ailleurs étaient abolies. On y voyait les corporations se promener en procession chacune ayant en tête son arlequin avec fouet et sonnettes. Le lundi du carnaval, les bouchers menaient par les rues le bœuf le plus gras enguirlandé de fleurs ; un garçon habillé d’une chemise longue, ayant des ailes dans le dos, était à califourchon sur l’animal. Un autre jour de fête, les matelots avec une musique, et portant tous leurs pavillons, traversaient la ville, puis ils plaçaient une longue planche dont les deux bouts reposaient chacun sur une barque. Les plus hardis s’avançaient de chaque côté à la rencontre l’un de l’autre et luttaient ensemble : celui qui jetait à l’eau son adversaire était le vainqueur.

« Un des souvenirs qui se sont le plus vivement gravés