Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/31

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des pauvres. J’y appris le catéchisme, à écrire et à compter ; à vrai dire j’estropiais l’orthographe de presque tous les mots et je connaissais assez mal les quatre règles. En revanche, à chaque fête du professeur, je tressais une couronne que je lui offrais avec un poème de ma façon. Il le prenait, en souriant à la fois de satisfaction et de pitié pour mes faibles vers. Les gamins des rues avaient entendu parler de mes singularités ; ils savaient que j’étais invité chez des personnes de qualité. Un jour, ils me poursuivirent en criant : « Le voilà, le voilà, l’auteur de comédies ! » J’allai me cacher à la maison dans un coin, je pleurai et je priai Dieu.

« Ma mère demandait que je fusse confirmé afin que décidément j’entrasse en apprentissage et que je fisse quelque chose de raisonnable. Elle m’aimait de tout son cœur, mais ne comprenait rien (ni moi non plus du reste) à mes instincts, à mes aspirations. Tous ceux qui l’entouraient blâmaient ma manière d’être.

« Nous étions sur la paroisse de Saint-Canut. Les garçons qui devaient recevoir la confirmation allaient se faire instruire les uns chez le prévôt, c’étaient les enfants de qualité et les élèves de l’École latine ; les enfants pauvres chez le chapelain. J’allai me faire inscrire chez le prévôt, ce qu’il interpréta sans doute comme un trait de vanité, mais ce n’était que par peur des gamins qui s’étaient moqués de moi et par une espèce de vénération pour les élèves de l’École latine. Quand ils jouaient dans leur cour, je les regardais par la grille et je souhaitais d’être du nombre de ces enfants privilégiés, non pour prendre part à leurs jeux, mais à cause des paquets de livres que je leur voyais.

« Pendant le temps que je passai parmi ces enfants