Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/36

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théâtre. Je fis plusieurs fois le tour de l’édifice que je regardais en quelque sorte comme mon domaine. Un marchand de contremarques me vit passer et repasser, il me demanda si je voulais un billet. Je connaissais encore si peu le monde, que je m’imaginai que ce brave homme avait la bonté de me faire cadeau d’un billet. J’acceptai avec plaisir. On s’expliqua. Le marchand crut que je me moquais de lui et se fâcha. Je m’enfuis tout effrayé ; c’est ainsi que je fus alors chassé de ces lieux où, dix ans plus tard, je vis représenter ma première œuvre dramatique.

« Le lendemain, j’endossai mes beaux habits de confirmation. Je n’omis pas de chausser mes superbes bottes et d’en faire passer les tiges par-dessus mon pantalon. Ainsi équipé, coiffé d’un chapeau qui me descendait jusqu’aux yeux, je me rendis chez Mme Schall pour lui remettre ma lettre d’introduction. Avant de sonner, je me mis à genoux devant la porte de son appartement, priant Dieu qu’il voulut me faire trouver là appui et protection. En ce moment, une servante descendait l’escalier ; elle me sourit amicalement, me mit un schilling dans la main et s’en alla en sautillant. Je regardai tout ébahi la pièce de monnaie. N’avais-je pas mes habits de confirmation que je croyais si élégants ? Comment pouvait-on me prendre pour un mendiant ? Je rappelai la jeune fille ; « Garde-le, » me cria-t-elle, et elle disparut.

« Je sonnai et fut admis en présence de la danseuse, qui me considéra avec le plus grand étonnement. Je lui contai mon histoire. Elle ne connaissait pas du tout le libraire d’Odensée qui m’avait donné la lettre de recommandation. Ma personne, mon air, mes paroles lui paraissaient de plus en plus étranges. Je lui déclarai que j’aimais le théâtre par-