Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/39

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qui étais pudique comme une jeune fille, je n’y pus tenir. Ils se moquèrent de moi ; pleurant, je déclarai au maître qu’il m’était impossible de rester chez lui. Il voulut me retenir, mais je m’enfuis.

« Je marchais à travers les rues, ne sachant que faire ni que devenir. Tout à coup je me souvins d’avoir lu, dans une gazette, qu’un Italien du nom de Siboni était directeur du Conservatoire de musique. « Allons le trouver, pensai-je. On vantait ma voix naguère ; peut-être la trouvera-t-il belle et me viendra-t-il en aide. Sinon, il n’y a plus d’autre issue que de m’arranger avec le patron d’une barque et de retourner à Odensée. »

« À cette idée de retour, j’entrai dans la plus pénible agitation, et c’est en cet état que j’arrivai chez Siboni. Il avait beaucoup de monde à dîner, entre autres le compositeur Weyse et le célèbre poète Baggesen. La gouvernante vint m’ouvrir la porte ; je lui dis ce que je venais demander, et, comme il me fallut attendre longtemps, je lui racontai toute ma vie.

« Enfin la porte s’ouvrit, et toute la société, qu’on avait prévenue, arriva pour m’examiner. On me fit chanter. Siboni m’écouta avec une grande attention. Puis je déclamai quelques vers de Holberg et une élégie que je savais par cœur. Le sentiment de ma situation malheureuse me saisit et me domina tellement, que j’éclatai en pleurs. Tout le monde se mit à m’applaudir : « Je te le prédis, dit Baggesen, tu deviendras quelque chose. »

« Siboni me promit de se charger de développer ma voix et de me mettre en état de débuter comme chanteur au Théâtre-Royal. J’étais aux anges, je riais, je pleurais en