Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/40

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même temps. La gouvernante, lorsque je me retirai, m’engagea à aller voir le compositeur Weyse, qui paraissait bien disposé pour moi.

« En effet, lui, qui pour s’élever à la réputation était parti de tout en bas, avait compris mon dénûment. Il en avait pitié. Il fit en ma faveur une collecte qui produisit soixante-dix écus.

« J’écrivis alors ma première lettre à ma mère, une lettre de jubilation. Je lui annonçais que j’étais au comble de la fortune. Ma mère, bien heureuse, montra ma lettre à tout le monde. Les uns étaient étonnés et la félicitaient ; les autres souriaient et disaient qu’il fallait attendre la fin de tout cela.

« Pour pouvoir comprendre Siboni qui ne savait pas le danois et n’entendait que l’allemand, il était nécessaire que j’apprisse quelque peu cette dernière langue. Une excellente dame, avec qui je m’étais trouvé dans la diligence qui m’amenait d’Odensée, et que je rencontrai par hasard, me recommanda à un professeur de sa connaissance qui m’enseigna gratis un peu d’allemand. Siboni me reçut chez lui, me nourrit, et m’enseigna la musique. Mais, six mois après, voilà ma voix qui mue et qui est perdue pour le chant, parce que, pendant l’hiver, j’avais eu de mauvais souliers et des vêtements trop légers, ce qui m’avait attiré de mauvais rhumes. Il n’y avait plus à espérer que je devinsse un chanteur. Siboni me le déclara sincèrement et me conseilla de retourner à Odensée apprendre un métier.

« Moi, revenir m’exposer aux rires de ma ville natale, après la façon enthousiaste dont j’avais décrit à ma mère mon heureuse fortune ! Cette pensée m’anéantissait. Dans ma détresse, il me vint encore une bonne idée. Je me souvins