Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/48

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la jeune dame qui, lors de ma confirmation, m’avait seule témoigné de l’amitié. C’est à elle que je devais d’avoir été introduit dans la famille Colbjoernsen et de là dans les autres salons. Elle fit copier et orthographier ma pièce, et la fit remettre au théâtre. Au bout de six semaines, on me la renvoya, avec prière de ne plus importuner le monde de rapsodies où se trahissait un manque complet d’instruction élémentaire. Quelques jours après, je reçus une lettre de la direction du théâtre qui me renvoyait de l’école de danse et de celle de chant, par le motif que la fréquentation de ces écoles ne me mènerait à rien ; on me recommandait de tâcher de décider mes protecteurs à me faire donner de l’instruction. Hors de là, je n’avais rien à espérer.

« Je me trouvais de nouveau repoussé de tous, seul et sans ressource. « Il me faut écrire une nouvelle pièce, me dis-je, et il faut qu’on la reçoive, ou je suis perdu. » J’écrivis donc une nouvelle tragédie, que j’appelais Alfsol. J’en étais enchanté. Je la lus à un prédicateur à la mode, le prévôt Gutfeldt, qui l’envoya à la direction du Théâtre-Royal avec un mot de recommandation.

« En attendant la réponse, je passais sans cesse de l’espoir à l’angoisse. Que devenir en effet si on me refusait encore ? J’étais déjà dans une grande misère ; je n’en parlais point par une fausse honte ; sans cela mes protecteurs ne m’auraient certainement pas laissé souffrir. Au milieu de mes peines, j’avais éprouvé un grand bonheur ; je venais de lire pour la première fois Walter Scott ; un nouveau monde s’était révélé pour mon esprit.

« Muni d’une lettre de M. Gutfeldt, j’allais voir le directeur du théâtre, M. Collin, en qui je devais trouver comme