Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/53

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à mon imagination qu’à l’école je retenais prisonnière pour qu’elle ne troublât pas mes études.

« Le recteur demanda son changement ; il fut envoyé à Elseneur. Il me dit que, si je voulais l’accompagner et demeurer chez lui, il me donnerait des leçons particulières de grec et de latin, et qu’ainsi, dans un an et demi, je pourrais passer l’examen pour entrer à l’Université. À cette occasion il écrivit à Collin une lettre que je vis plus tard et qui était pleine d’éloges sur mon compte. Si j’avais su qu’il appréciait ainsi mes efforts, cela m’aurait donné du courage ; mais ses moqueries continuelles contraignaient mon esprit et l’arrêtaient dans son essor.

« Sur le conseil de Collin, je suivis cependant le recteur à Elseneur. C’est un des plus beaux endroits du Danemark ; on y domine le Sund, ce bleu détroit qui sépare le Danemark de la Suède. Tous les jours on y voit passer des centaines de navires portant les pavillons de tous les pays. Cette nature belle et grandiose produisit sur moi une vive impression ; mais je n’avais guère de loisir pour la contempler. Quand les classes étaient terminées, il me fallait rentrer dans la maison du recteur, étudier mes leçons, et finalement monter à ma petite chambre. Je ne voyais personne du dehors. Cette époque de ma vie est celle qui m’a laissé les plus pénibles souvenirs. Je n’avais plus la moindre confiance en moi-même. Le recteur continuait à me harceler de cruelles plaisanteries. Je ne me plaignis jamais de lui ; je savais que dans ce cas on dirait à Copenhague que mon caractère fantasque ne savait pas s’adapter au monde réel. Mes lettres à Collin étaient remplies du plus complet désespoir ; mon protecteur en était navré ; mais il ne savait comment y remé-