Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/62

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vendait beaucoup plus que ses camarades, sans savoir comment cela se faisait.

C’était son grand-père qui sculptait les jolis casse-noisettes, les grotesques bonshommes, les ours, les cuillers et fourchettes, les boîtes ornées de feuillages délicats et de chamois légers. Le vieillard demeurait plus haut dans la montagne. Il avait plein une armoire de ces gentils jouets qui fascinent d’ordinaire les enfants. Mais le petit garçon, qui s’appelait Rudy, n’y faisait pas grande attention. Ce qu’il regardait avec plaisir et convoitise, ce qu’il aurait désiré ardemment posséder, c’était le vieux fusil accroché contre une poutre. Son grand-père le lui avait promis, mais pour l’époque où il serait devenu grand et assez fort pour s’en servir.

Tout petit qu’il était, il lui fallait aussi garder les chèvres. Si c’est être un bon gardeur de chèvres que de savoir escalader avec elles les rochers, Rudy était un bon gardeur ; il grimpait même plus haut qu’elles. Il aimait à aller décrocher les nids d’oiseaux à la cime des arbres. Il était courageux, téméraire même. On ne le voyait jamais sourire que lorsqu’il était près d’une cascade mugissante ou quand il entendait le roulement sourd d’une avalanche.

Il ne jouait jamais avec les autres enfants. Il ne se trouvait dans leur compagnie que lorsque le grand-père l’envoyait vendre ses ouvrages en bois sculpté. Rudy n’aimait guère cette besogne. Il préférait beaucoup gravir tout seul les montagnes escarpées ou bien rester assis auprès de son grand-père, à l’écouter raconter les histoires des temps lointains et les traditions du pays de Meiringen, où le vieillard était né, pays envahi anciennement par un peuple venu de l’extrême Nord et de la race des Suédois.