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Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/16

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ses paroles devenaient de plus en plus incohérentes, et lorsqu’un des buveurs lui reprocha d’être ivre, il en convint humblement et demanda de nouveau avec instance qu’on lui fît venir un fiacre.

Sur ce mot de fiacre, un individu qui était là affirma que l’étranger parlait la langue moscovite.

Jamais le conseiller ne s’était trouvé avec des gens de si bas étage.

— Vraiment, pensa-t-il, on se croirait au milieu de païens ; c’est le moment le plus terrible de ma vie.

L’idée lui vint de passer sous la table pour s’échapper ; mais, comme il cherchait à exécuter ce projet, les buveurs l’aperçurent et le retinrent par les jambes. Dans la lutte les galoches tombèrent, et avec elles disparut l’enchantement.


Le conseiller se retrouva, assis au milieu du ruisseau, dans la rue de l’Est, vis-à-vis de la maison où il avait passé la soirée. Il la reconnut parfaitement, ainsi que tout le quartier, et il aperçut un gardien de nuit qui dormait sur un escalier.

— Seigneur mon Dieu ! s’écria-t-il, il faut donc que je me sois endormi et que j’aie rêvé au milieu de ce ruisseau. Oui, voilà bien la rue de l’Est. Comme elle est belle et bien éclairée ! En vérité, je n’aurais pas cru qu’un verre de punch pût jamais produire un effet si extraordinaire.

Deux minutes plus tard, il était assis dans un fiacre qui le ramenait chez lui. Les angoisses et les tourments