Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/213

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Mais, comme une statue qu’il était devenu, le savetier ne bougea pas.

— Mais venez donc, répéta le marguillier : vous devez être fatigué ; il n’y a plus de danger, descendez !

Et il le tira par la jambe ; mais cette démonstration n’obtint pas plus de succès que la parole.

Étonné et inquiet d’une torpeur si extraordinaire, le marguillier monta sur le piédestal et saisit le faux évêque par le bras ; mais il faillit s’évanouir de frayeur, en sentant sous sa main ce bras dur et froid comme de la pierre, et en reconnaissant que le savetier était devenu une véritable statue. En présence d’un tel prodige, le marguillier sentit à quel point il avait été coupable.

— Grand saint Népomucène, s’écria-t-il, en s’agenouillant sur le pavé de la chapelle, ayez pitié de moi ! Je reconnais et je confesse mon impiété ; je tâcherai de la réparer par une pénitence rigide et par la vénération profonde que je vous témoignerai à l’avenir ! Soyez miséricordieux et rendez la vie à cet infortuné que j’ai entraîné dans mon péché !

En même temps le savetier joignait intérieurement sa prière à celle du marguillier. C’était peut-être la première fois qu’il priait sincèrement et du fond du cœur.

Et leur repentir fut exaucé. Un bruit extraordinaire se fit entendre dans l’église : le mur s’entr’ouvrit, et saint Népomucène lui-même, c’est-à-dire la statue du pont, parut et se dirigea vers les deux coupables.

— Vos prières, dit-il, sont parvenues jusqu’à moi, et je vous pardonne à tous les deux. Toi, ajouta-t-il en s’adressant au marguillier, tu as été assez puni par les angoisses que tu as éprouvées ; je suis sûr que désor-